Tout a commencé au printemps 1672 ou Dame Germaine Ribeyron accueillie au Faubourg de St Pal, très exactement à l'hostellerie Notre Dame, trois jeunes filles accompagné de M. Granier de St Jean que nous apprendrons à connaître un peu plus loin.
Les interlocuteurs de ces écrits que vous allez découvrir, sont entre autres une ancienne famille de Chaturanges « les Gallet », l'une des plus honorablement connues de St Pal dès le 16 ème siècle.
L'une des plus foncièrement chrétiennes aussi. Non seulement le grand oncle de Maitre Francois, Dom Antoine Gallet, religieux profès de l'ordre de St Benoit, avait été longtemps prieur du Villard en dauphine, avant de se retirer à St Pal, ou il vivait encore en 1659, la chapelle-notre-Dame-hors-la-ville, à laquelle a succédé la chapelle actuelle, vis à vis des bâtiments des Gallet, avait du être sinon construite, du moins dotée ou restaurée par eux, puisqu'il jouissaient du privilège d'y avoir leur tombeau ; Les mêmes traditions se maintiendront dans la branche cadette de Chaturanges, qui comptera à la révolution parmi ses derniers représentants un illustre frère des écoles chrétiennes, et dans celle de Craponne, issue du frère cadet de Mr Francois Barthélémy Gallet, qui avait épousé en 1664 la fille d'un notaire de Craponne et succédé à son beau père.
Présentons maintenant les arrivants de ce printemps 1672. M. Granier de St Jean était fermier du vicomte de Polignac au marquisat de Chalencon, c'est à dire qu'il y levait les cens et autres redevances féodales. Il exerçait probablement les mêmes fonctions dans les seigneuries de St Pal et de Tiranges, depuis que celle ci étaient passées entre les mains du vicomte. Cette charge devait l'obliger à de fréquents déplacements entre Chalencon et Paris ou résidaient habituellement la famille du vicomte et la sienne propre.
Louis Armand de Polignac était lui même un excellent chrétien. Il n'avait pas hésité à laisser entrer sa fille, l'unique enfant de sa première épouse, au carmel de la rue du Bouloi, et à verser au monastère, en échange des terres de St Pal et de Tiranges que sa fille lui abandonnait, une dot princière de 75 000 livres. Le plus jeune fils de sa troisième épouse, Melchior, se destinait de son coté à entrer dans les ordres. On sait qu'il sera plus tard cardinal et archevêque d'Auch, académicien distingué et auteur du célèbre poème en vers latin l'Anti Lucrèce, ou il réfute victorieusement les arguments du matérialisme.
Ainsi la providence avait t'elle tout disposé pour faciliter l'établissement chez nous des religieuses de la croix. Par ailleurs, l'endroit ne pouvait être mieux choisi. Sans être trop éloignée du bourg, la maison Gallet se trouvait néanmoins à l'écart, loin du bruit. Autour des vastes bâtiments de l'hostellerie, ce n'étaient que cours, jardins, petits prés, excellent emplacement pour construire, s'il y avait lieu. A coté s'offrait la chapelle Notre Dame, ou la messe était chaque jour célébrée ; à coté encore se dressait l'antique croix du Pirou, ainsi surnommée parce que le fut repose dans un bassin de pierre de la forme d'un Peyrou, terme désignant, on le sait un petit récipient fidèlement repris par la croix de 1808 qui a remplacé l'ancienne. La communauté naissante allait donc se trouvait suivant l'esprit de sa vocation, à l'ombre de la croix, et sous la protection de Notre Dame.
Rappelons ici que l'institut des filles de la croix avait été fondé à Paris une trentaine d'années plus tot, en 1640, par une veuve de grande piété, Mme de Villeneuve, dans le dessein de pouvoir à l'éducation et à l'instruction des jeunes filles. Sur le berceau de la congrégation s'étaient penchés deux saints au nom prestigieux, saint Vincent de Paul et saint François de Sales, gloire de l'école de la spiritualité, une école tout animée de sens de la mesure, de bonté souriante, de paisible douceur, dispositions qui n'excluent pas pour autant l'esprit de sacrifice, tous ceux qui connaissent la règle de ces trois congrégations des mêmes fondateurs : les filles de la charité, les visitandines, les filles de la croix ne peuvent qu'en être persuadés. Et certes, il eut été particulièrement choquant d'oser se placer sous le signe de la croix, si l'on avait voulu, suivant le mot de St Paul « évacuer le mystère de la croix ». Il n'en fut rien durant trois siècles, tant de vies humbles, modestes, vouées à l'obéissance, à la pauvreté, à la chasteté, en ont porté un éloquent témoignage, jusqu'à notre époque ou l'ouverture au monde, tant prônée, consiste moins hélas ! chacun s'en rend parfaitement compte à élever le monde jusqu'à soi qu'à se rabaisser jusqu'à lui. Cette remarque ne saurait viser, il va de soi, les deux communautés de St Pal, dont la ferveur reste exemplaire.
La destruction, il y a 2 siècles, des archives de la communauté de l'école, lors d'un incendie, nous prive de renseignements précieux, en particulier en ce qui concerne le nom des premières religieuses. Néanmoins, les deux historiens qui ont traités du sujet ont disposé d'excellents documents : l'abbé Theillière, dans son étude historique sur le canton de Bas, publié à St Etienne en 1883, a utilisé un dossier alors conservé dans la communauté de Tiranges, ou figure notamment une courte notice sur la fondation de St Pal ; l'abbé H. Colly, dans son ouvrage sur les « couvents, chapelles confréries et dévotions » de l'arrondissement d'Yssingeaux, publié au Puy en 1893, a puisé des détails beaucoup plus circonstanciés dans les notes manuscrites, qu'il a eu en mains, de l'abbé Noël Joseph Jourda, curé de St Pal de 1687 à 1736.
Une divergence, dès l'abord, entre nos deux historiens : l'abbé Theillière parle de deux demoiselles de St jean, l'abbé Colly, de trois. Il semble possible de réduire cette divergence en supposant que deux d'entres elles restèrent à St pal, tandis que l'autre allait procéder à Tiranges à une fondation analogue, la simultanéité des deux ne faisant aucun doute.
Et, sans désemparer, on se mit à l'oeuvre. Le terrain avait été préparé à l'avance par le curé des deux paroisses : à St Pal, par maitre Jean Baptiste Bouchet, d'une excellente famille du bourg, prêtre instruit et zélé s'il en fut, qui avait succédé en 1659 à maitre Julien Pastel, originaire du Boisset Bas ; à Tiranges, par maitre Ollier, non moins pieux et zélé que son confrère.
Dans le corps de logis mis par la famille Gallet à la disposition des pieuses parisiennes, et ou l'on installa un petit oratoire, les postulants commencèrent à se présenter ; Mais l'apport le plus appréciable vint surtout à la communauté naissante d'un groupe de filles dévotes qui vivaient dans une maison située tout près de la croix de Giraud, croix sculptées, jadis placée contre la maison Bayle et transférés avant la dernière guerre à l'extrémité de la place neuve en face la boucherie.
Ainsi de tous cotés, la croix avait préparé la naissance de l'institut des filles de la croix. Partageant le même idéal que les demoiselles de St Jean, elles saisirent avec empressement l'occasion offerte de former désormais une véritable communauté religieuse, sur le type de celle de la congrégation de la croix et agréée comme telle, dans un cadre s'y prêtant mieux que dans leur modeste demeure.
Quelques mois passèrent, et ici se situe un fait de prime abord assez déconcertant. Les demoiselles de St Jean restèrent peu à St Pal. Elles partirent à St Flour, ou s'était établie une autre maison de filles de la croix, y firent profession et y vécurent jusqu'à leur mort. Nos historiens parlent à ce propos d'obstacles rencontrés, de découragement. Ne pourrait on pas penser plus simplement qu'ayant mis en train la petite communauté, ayant peut être trouvé dans le groupe de Giraud des personnes plus âgées et non moins capables qu'elles de diriger leurs soeurs, elles pensèrent que la présence d'étrangères filles par surcroît d'un collecteur d'impôts et l'on sait que ces collecteurs ont toujours, en tous pays, été mal vus, serait tout comte fait, plus nuisible que bénéfique ? Elles s'effacèrent donc humblement.
Quoi qu'il en soit des motifs qui les déterminèrent, on ne saurait parler d'insuccès ou de crise de croissance. Les dates ont là, qui s'y opposent. En effet, un an après l'arrivée des pieuses parisiennes, le 17 mai 1673, Mrg Armand de Bethune, évêque du Puy, autorisait l'établissement des soeurs de la croix à St Pal et à Tiranges, et pour témoigner hautement de l'importance qu'il attachait à cette double fondation, il faisait de son érection canonique l'objet d'un mandement diocésain. Il eut été difficile d'aller plus vite. On se demandera même si une telle célébrité ne suppose pas l'intervention du vicomte de Polignac, possesseur des terres de St Pal et Tiranges.
Le mandement de Mrg de Béthune, daté de sa résidence de Monistrol et adressé au clergé et aux fidèles de son diocèse, est un document très important, non seulement par les indications qu'il renferme sur les moeurs du temps, mais parce qu'il assigne avec netteté aux filles de la croix dans le diocèse du puy les taches mêmes que leur avait dévolues Mme de Villeneuve. Nous l'analyserons donc en détail.
Le préambule, tout empreint de la majesté du grand siècle, rappelle le but général du nouvel institut : « Le zèle de la plus grande gloire de Dieu et le désir de procurer le salut des âmes depuis plusieurs années excité quelques honnêtes et vertueuses filles à s'offrir à Dieu pour honorer la charité de Jésus Christ mourant en croix et à s'unir ensemble par une manière de vie bien réglée, sous le titre de filles ou soeurs de la croix, pour se dédier particulièrement aux services et assistance de personnes de leur sexe dans leurs besoins spirituels »....
La tache essentielle sera l'éducation des petites filles. Non qu'il n'exista alors aucune école de filles du peuple, mais remarquait le prélat « les personnes qui tiennent ces écoles n'ont le plus souvent ni capacité ni adresse pour les instruire des choses qui regardent le salut et les devoirs de la vie chrétienne ». Que si les écoles des garçons étaient mieux pourvues, le prélat condamne la mixité, si chère à un clergé déboussolé, avec la même rigueur que naguère encore PIE XI, les cardinaux et archevêque de France, monseigneur Rousseau au Puy. « Il y aurait grand inconvénient, écrit il, d'avoir les jeunes filles dans les écoles avec les garçons ou de les faire instruire par des hommes. quant aux monastères d'Ursulines qui existent dans les villes, il est impossible de les établir dans les bourgs et les villages à cause des grandes dépenses que cela exigerait ».
De cette mission primordiale, Mrg de Béthune souligne l'urgent besoin. « Il a été jugé nécessaire avant tout autre chose de pouvoir remédier à cette ignorance comme étant la racine d'une infinité de désordres des femmes mariées qui, ayant été mal instruites pendant leur jeune age, n'ont ni soin ni adresse pour l'instruction de leurs enfants et de leur domestiques ».
La seconde tache, qui deviendra moins nécessaire à mesure que se répandra l'instruction sera d'organiser ce qu'on pourrait appeler des sessions à l'intention des jeunes filles « que la nécessité oblige de se mettre en service dans les hôtelleries, chez les artisans ou dans d'autres maisons, ou elles sont tellement occupées qu'elles n'ont aucun temps pour assister aux prônes et aux catéchismes et cependant elles vivent dans une grande ignorance de Dieu et des choses de leur salut ». Avant d'entrer en service, il serait donc souhaitable que ces jeunes personnes puissent se retirer quelque temps chez les soeurs de la croix qui les instruiraient, les disposeraient « à faire une bonne confession générale et à prendre la résolution de vivre bien et chrétiennement ».
Dernière tache : « faire quelque instruction particulière aux pauvres femmes et filles », par exemple « aux approches des principales fêtes » et organiser même chez elles de véritables retraites fermées à l'intention des filles, des veuves et même des femmes mariées autorisées par leur mari, qui désireraient se recueillir intérieurement et se dégager pour quelque temps de tous les embarras du monde ».
Après avoir brossé ainsi à grands traits le tableau des activités du nouvel institut, le prélat précisait ce qui le distinguait des autres. Les religieuses menaient une vie réglée, à peu près telle que celle des monastères, à la réserve de la clôture ; elles ne prononçaient que des voeux simples. Aux jeunes filles et aux veuves qui se présentaient on ne réclamait pas une dot importante comme dans les grands ordres religieux, on ne leur demandait que leur bonne volonté et une modique pension, cela dans les débuts des établissements, en attendant que ceux ci soient suffisamment rentés. A ces causes, les sieurs curés de St Pal et de Tiranges étaient autorisés à établir dans leur paroisses des filles de la croix.
Sensibles à l'honneur que Mg de Béthune leur faisait à la face même de son diocèse et désireuses de ne pas décevoir sa confiance, les pieuses files de la croix se mirent au travail avec une ardeur nouvelle. De commun accord cependant, on décida de surseoir à l'installation solennelle de la communauté jusqu'à ce qu'elle soit solidement constituée.
Le petit corps de logis de la famille Gallet ne suffisant plus, il fallait s'agrandir, construire. On acheta donc une grange au voisin, le sieur Antoine Vincent, avec le terrain contigu, sur lequel M Jourda, curé de St Pal, permit plus tard l'ouverture d'une porte donnant accès à la chapelle Notre Dame. Le nom de vincent est une mauvaise lecture de nos historiens ; Il n'y avait pas de Vincent à cette époque ;il y avait par contre des Vinent, prudhommes de père en fils, métayers des seigneurs de St Pal à leur borie de Lavort, et qui avaient leur tombeau dans une chapelle de Notre Dame qui semble avoir été Notre Dame hors les murs. Antoine Vinent est donné justement, dans un acte notarié du 3 mars 1670 comme possédant une terre à coté du jardin de Fr.Gallet, non loin de la croix du Pirou ; par cet acte, son parent, maitre Jacques vinent«prêtre et vicaire de St Pal » achetait une parcelle à proximité. On gagerait que le prix de vente aux religieuses dut être des plus modiques.
la communauté se donna, comme il le convenait, une supérieure et une maitresse, des novices spécialement chargée de la formation des postulantes. Celles ci affluaient, non moins que les fillettes et les jeunes filles venant se faire instruire. Et il fallait du temps pour tout mettre au point.
Enfin, après un noviciat et une organisation qui n'avaient pas duré moins de douze ans, une cérémonie très solennelle consacra définitivement la communauté. Les nouvelles enfants de Mme de Villeneuve prononcèrent leurs voeux. Ce jour mémorable dans les fastes de St Pal fut le premier dimanche de février de l'année 1685, solennité de la présentation au temple. Ce fut la dernière joie du vénéré M. Bouchet, qui dans le même temps s'était dépensé sans compter pour établir, sous le nom de mères de la miséricorde, une autre association de filles charitables, vouées au service des pauvres et des malades, association devenue plus tard la communauté des religieuses hospitalières de St Pal, elles mêmes agrégées à la congrégation de la croix en 1858. Ce pasteur si zélé devait mourir deux ans plus tard.
Son successeur, M. Noël Jourda Devaux, eut à faire à une difficulté très spéciale. Les demoiselles de St Jean avaient apportée à St Pal les grandes lignes des constitutions du nouvel institut, mais non pas leur détail. Or, plus se développait la communauté, plus se faisait sentir la nécessité d'une règle précise. Il paraissait tout indiqué de demander une copie des constitutions à la communauté de St Flour, antérieure à celle de St Pal. Cela eut été facile à notre époque ou les communications sont aisées. Ce l'était beaucoup moins alors. Finalement, après avoir envisagé diverses solutions, M.Jourda de Vaux s'arrêta à celle qui paraissait la plus régulière : il s'adressa à l'évêque de St Flour par l'entremise de celui du Puy.
Le 19 octobre 1711, l'évêque du Puy remettait à M Jourda les constitutions de la croix, qu'il venait de recevoir, dument authentiquées et approuvées de l'évêque de St Flour, accompagnées de sa propre approbation et de ses ordonnances. Quelques jours plus tard, le 21 novembre, fête de la présentation de Marie, au cours d'une messe de communion solennelle, célébrée en la chapelle de Notre Dame, le curé de St Pal remit à ses chères filles les constitutions tant désirées en leur recommandant de les méditer et de les garder avec une fidélité inviolable. Ce qu'elles n'ont cessé de faire depuis. Aussi leur maison, toujours bénie, fut elle pour la paroisse une école de vertus et une mine intarissable de bienfaits.
On ne saurait douter que les bonnes familles du bourg ou des villages qui eurent à coeur jusqu'à la révolution de donner un prêtre à l'église de St Pal, donnèrent aussi une religieuse à l'institut de la croix. Tant et si bien que la communauté, dont la réputation s'était répandue dans tout le diocèse se trouva en état d'aller fondé ailleurs des filiales ; La première en date fut celle de Montusclat. Le curé de cette paroisse, M. Pélardi, s'étant adressé au curé de St Pal, ce dernier lui envoya deux religieuses de grand mérite, soeur Jeanne Jourda, sa propre soeur et soeur Marie Didier, pour donner la formation requise aux novices de Montusclat. Le 2 juillet 1727, au cours d'une cérémonie solennelle, présidée par M; Jourda, qui joignait à son titre de curé de St pal celui d'archiprêtre de St Paulien, assisté de M. Pélardi et de M. Lafarge, curé de St George l'Agricol, les postulantes reçurent l'habit religieux.
La seconde filiale de St Pal, plus importante, fut l'hôpital général du Puy. Cet établissement, fondé en 1687 par Mgr Armand de Bhétune, était desservi par des personnes du monde, dévouées mais indépendantes, qui portaient le nom assez curieux de gouvernantes. Vers 1732, Mrg de Beringhen songea à réunir en communauté religieuses celles de ces filles charitables qui y consentiraient. Après réflexion, on choisit, pour ce faire la communauté de la croix de St pal. Celle ci délégua au Puy une religieuse de talent, soeur Marie Rose Didier, la même semble t il qui avait fondé Montusclat. Elle fut installée par les administrateurs de l'hôpital général comme gouvernante chef puis comme supérieure de la communauté ; parmi les nouvelles religieuses figurait notamment une demoiselle Bonnefoux de St Pal. Trois ans plus tard, à la demande de l'évêque, deux autres religieuses de St Pal vinrent renforcer la petite communauté ; il s'agissait des deux soeurs Bourrianne, d'une veille famille de St Pal, dont l'une, Gabrielle, devint presque aussitôt supérieure de la maison et le resta jusqu'en 1784.
Chaque communauté de la croix, une fois fondée, demeurait totalement indépendante des autres, ainsi qu'il est encore de règle dans les ordres contemplatifs. Le seul lien les unissant était le même mode de vie, l'observation des mêmes constitutions. De chaque maison, le directeur spirituel tout désigne était le curé de la paroisse. La jeune fille qui entrait dans la communauté pour s'y consacré au service de Dieu, soit par l'enseignement, soit par les travaux manuels, savait qu'elle y passerait toute son existence. Séparée du monde, elle restait tout près de sa famille, de ses compagnons d'enfance, de ses compatriotes : pour eux, en premier lieu, elle se sanctifiait, se mortifiait ; et qu'on n'aille pas croire pour autant que sa formation religieuse en était négligée : le noviciat qu'on lui imposait était fort sérieux. Sous la direction ou de la supérieure ou d'une religieuse expérimentée, elle s'exerçait à la pratique des vertus dont ses soeurs en religion lui donnait chaque jour l'exemple : elle travaillait, priait, méditait, lisait les maitres de la vie spirituelle, dont on lui avait mis les oeuvres entre les mains. Cela valait bien la vie échevelée qu'on impose aux novices aujourd'hui.
Cependant la centralisation administrative, qui n'avait jamais cessé de s'accentuer en France, ne pouvait manquer d'avoir sa répercussion dans l'église. A dire vrai, ce ne fut qu'assez tard, tout à la fin du siècle dernier, qu'elle toucha les communautés religieuses. Le 2 juillet 1889, une ordonnance de Mrg Fulbert Petit réunissait les différentes maisons des soeurs de la croix, une vingtaine dans le diocèse en une seule congrégation. D'un commun accord, le siège de la maison mère fit fixé au Puy.
Cette réforme, si elle avait l'avantage de permettre une meilleure répartition des religieuses, suivant leurs capacités et les besoins des différents établissements, n'en comportait pas moins de graves inconvénients. A changer trop souvent de maison, religieuses et supérieures risqueraient de s'y attacher moins, de prendre insensiblement une mentalité de fonctionnaires. L'appartenance des biens - fonds à la maison mère, qui en dernier ressort en disposait, détournerait désormais les paroissiens de léguer aux communautés des propriétés susceptibles de leur assurer des revenus appréciables ; et l'on sait à cet égard quels remous a provoqué à Boisset la vente par la maison mère du Puy des bâtiments de l'école de St Joseph. Certes l'état prendrait désormais la relève des bienfaiteurs. Mais à quel prix et moyennant quelle aliénation de liberté. Il serait injuste néanmoins de ne remarquer que les supérieurs générales agirent avec tact et discrétion, en maintenant jusqu'à leur mort dans leur paroisse d'origine les religieuses qui s'y trouvaient et en prolongeant le mandat des supérieures locales. Comment ne pas saluer, à ce propos, l'avant dernière supérieure générale de la croix, enfant authentique de St Pal, révérende mère Marguerite Marie, de saint et vénérée mémoire ?
Les évêques du Puy, de leur coté, on l'aura compris à la lecture de ces notes, eurent toujours à coeur de témoigner leur estime et leur affection à la communauté de St pal, sans laquelle ils ignoraient pas qu'il n'y aurait jamais eu de filles de la croix dans leur diocèse. Pourquoi faut-il que cette attitude ait brusquement changé, que l'autorité diocésaine actuelle ait cru devoir préluder à sa façon à la célébration de ce tricentenaire en amputant brutalement l'école libre de son C E G qui fonctionnait depuis longtemps à la satisfaction de tous, n'enregistrait que des succès et voyait ses effectifs croitre d'années en années. Cet acte de dirigisme absurde, qu'on aurait cru impossible après Vatican 2 et sur les motifs secrets duquel mieux vaut jeter pudiquement le manteau de Noé a ouvert dans le coeur de nos compatriotes une blessure qui sera longue à se fermer.
A nos jours, la communauté a disparu du paysage St Palois mais ne serait-il pas un devoir plus impérieux d'assurer aux religieuses de la croix nos plus profondes gratitudes. Aujourd'hui le bâtiment qu'occupait les filles de la croix est devenu la maison des ainés et pour tous ceux qui résideront en ce lieu, à coté de la chapelle ainsi que tous les St Palous se souviennent qu'en ce lieu résidaient depuis près de 310 ans des filles qui ont donner leur vie au service de l'église.