La France est sans aucun doute le pays d’élection des Vierges Noires.
Cette forme de piété se retrouve essentiellement là où au Moyen-Age, la statue-reliquaire a été adoptée, c’est-à-dire dans les églises de pèlerinage, plus particulièrement dans les régions du Centre, du Sud-Est et du Sud-Ouest du pays, sur les voies principales qui mènent à Saint Jacques de Compostelle.
Comme nous l’avons déjà évoqué, la ville du Puy-en-Velay marque le départ de cet important pèlerinage.
Hors la cathédrale Notre Dame renferme une des plus ancienne statue de la Vierge Noire, vénérée depuis le XIe siècle par une foule de pèlerins.
En effet, depuis des temps immémoriaux, des liens se sont créés entre les pèlerins et le culte de la Vierge Noire du Puy.
Faisant halte dans la ville, ils prenaient courage et espoir auprès de la vénérable statue, pour un nouvel élan jusqu’à l’extrémité de l’Espagne.
La statue de la Vierge Noire de Notre Dame du Puy, qui fut brûler au cours des évènements révolutionnaires de 1794, connue un grand succès.
Elle fut largement copiée jusqu’au XIXe siècle, au-delà des limites de l’Auvergne, grâce à plusieurs descriptions, tableaux la figurant et copies réalisées avant sa destruction.
Trois auteurs nous ont décrit cette statue romane, aux XVIIe et XVIIIe siècles : Odo de Gissey, venu au Puy en 1620, frère Théodore qui publie sa narration en 1693 et Faujas de Saint-Fond.
Ce dernier, scientifique et homme des Lumières, est venu au Puy en 1778 et réalise un portrait minutieux de la statue, accompagnée d’une gravure, exécutée par Veyrenc.
Assise sur un trône, la Vierge couronnée présente aux fidèles dans une attitude frontale, l’Enfant sur ses genoux.
Cette statue, aux visages noircis et aux regards hiératiques, est recouverte à partir du XVIe siècle, de plusieurs manteaux de tissus qui dissimulent les corps du cou jusqu’aux pieds, mais aussi le trône.
C’est ainsi que la Vierge Noire du Puy est apparue à des générations de pèlerins et d’artistes sculpteurs, ignorant les formes cachées par le manteau, à l’origine d’un nouveau type iconographique de la Vierge, dit « en cloche » ou « au manteau », auquel appartient la Vierge Noire de Saint-Pal-en-Chalencon.
Ce modèle de la Vierge de forme tronconique, devient le plus répandu au XVIIIe siècle. C’est donc tout naturellement que la statue d’origine, disparue sous la Révolution, est par conséquent remplacée en 1858, par une Vierge Noire « au manteau » datée du XVIIe siècle et provenant du monastère Saint-Maurice-du-Refuge.
Il est frappant de constater à quel point le hiératisme de ces formes de Vierges Noires « en cloche » rappelle le thème ancestral des idoles ou déesses mères que l’on retrouve au sein des civilisations crétoises, mais aussi dans tout le bassin méditerranéen vers 1300 ans av. J-C.
C’est comme si la forme tronconique de ces petites statuettes dite en Xi (f) ou Phi (F), symboles de fécondité, s’était perpétuée inconsciemment dans l’esprit des artistes sculpteurs et reprenait vie à travers ces Vierges Noires.
Sources iconographiques de la Vierge Noire du Puy
L’origine de la Vierge Noire du Puy reste très mystérieuse.
Beaucoup d’encres ont coulé pour tenter d’expliquer les raisons de sa noirceur, couleur symbole de la mort et de la résurrection, ainsi que sa frontalité.
L’ensemble des explications, des plus semblables au plus fantaisistes, ont été regroupées dans la thèse de madame Marie Durand-Lefèbvre, travail réalisé en 1937 et toujours d’actualité.
Au regard des différentes hypothèses qui nous ont été données d’étudier, nous avons retenu ce qui, pour nous, semble le plus vraisemblable.
Réfutant la cause de l’accident (patine, fumée, oxydation,...) car il semble peu probable que l’Eglise est laissée s’altérer une œuvre qui rassemblait tant de fidèles, il nous paraît incontestable que le noircissement du visage de la Vierge Noire du Puy soit volontaire.
Cette pigmentation serait due à des influences stylistiques orientales, rapportées au Moyen-Âge par des pèlerins ou des croisés. Ses origines, tirées d’idoles païennes, peuvent être égyptiennes, considérant que la Vierge Noire fait partie de l’évolution de la statuaire du type Isis-Horus.
Nous pouvons également évoquer l’influence des miniatures syriennes à l’époque romane, ou bien encore des Icônes de l’Europe de l’Est.
En ce qui concerne la position frontale de la Mère et de l’Enfant, nous pouvons voir à travers cette statue l’un des plus ancien exemple de Vierge en Majesté Auvergnat, au même titre que la Vierge d’Etienne II pour la cathédrale de Clermont-Ferrand ou celle de Saint-Foy de Conque.